La Somatic Expériencing (= expérience somatique en français) est une approche thérapeutique appartenant à la catégorie des neuro-thérapies, elles-mêmes généralement orientées dans le traitement des psycho-traumatismes.
La Somatic Expériencing a été conçue il y a plus de 40 ans par Peter LEVINE.
Qui est Peter Levine ?
Peter Levine est né en 1942. Il est de nationalité américaine.
Il est psychologue-éthologue et s’est consacré pendant plus de 40 années à étudier diverses disciplines dont la médecine médicale, les modèles animaux du stress. Les modèles de neurosciences, dont celui de Stephen Porgès concernant la théorie poly-vagale, ont validé scientifiquement ce qu’il avait intuitivement compris des effets du stress et du traumatisme sur le système nerveux. Son parcours l’amène à remettre en question les théories psychologiques conventionnelles du psycho traumatisme.
Il obtient un doctorat en sciences médicales et biologiques, puis en Psychologie.
Il a fondé le Somatic Experiencing Trauma Institute à Boulder dans le Colorado.
ll obtient une grande notoriété dans le domaine grâce à ses écrits sur le traumatisme et notamment avec la publication de son livre intitulé « Réveiller le tigre, Guérir le traumatisme », traduit en 24 langues et vendu à plus de 250 000 exemplaires.
A ce jour, la Somatic Expériencing est enseignée dans de nombreux pays .
En France, elle est enseignée par le docteur en médecine et professeur neuropsychiatre agrégée Michel Schittecatte et son équipe d’assistants (Cf. CEFoRT : Centre d’Etude et de Formation à la Résolution du Trauma). Dominique Degranges intervient en tant que formateur pour la 3ème et dernière année de formation.
La Somatic Experiencing
Comme l’EMDR, l’approche de Peter Levine (la Somatic Experiencing) révolutionne le traitement du traumatisme.
La Somatic Experiencing® n’est pas une thérapie psychocorporelle même si elle est axée sur la conscience corporelle (Cf. felt-sence, concept d’Eugène Gendlin rapporté dans Focusing) pour la guérison des traumatismes et autres troubles liés au stress. C’est une thérapie d’exposition où il n’est pas question de revivre l’évènement mais de renégocier ce qui est arrivé lors de l’évènement en le vivant ici et maintenant de manière très différente et surtout avec une co-régulation adaptée.
C’est en explorant le lien fondamental qui existe entre la mémoire et le traumatisme que Levine démontre avec force que la clé de la guérison des traumatismes se trouve par-delà les mots, dans notre corps et dans nos instincts.
« Le traumatisme n’est pas ce qui nous arrive. Mais ce que nous retenons à l’intérieur en l’absence d’un témoin empathique. » P. Levine
Peter LEVINE montre que la guérison du traumatisme se produit au niveau du système nerveux, notamment le Système Nerveux Autonome (SNA) car c’est là que se situe la désorganisation traumatique.
Le système nerveux autonome régule toutes les fonctions élémentaires de notre organisme, y compris notre système viscéral (organes internes). Le SNA fonctionne de manière automatique, sans notre contrôle, et est à l’origine de nos réponses de survie.
Le concept de figement en Somatic Expériencing
Grace à ses observations sur le comportement des animaux, Levine comprend le phénomène du figement lorsque ces derniers se trouvent en situation de danger transitoire et que la réponse de la fuite ou du combat sont impossibles.
Lorsque l’individu (ou l’animal) est menacé par l’arrivée d’un danger dans son environnement, il va d’abord s’orienter afin de situer d’où vient le danger, puis évaluer le niveau du danger. Ensuite, il entrera dans une phase de négociation si cela est possible, sinon, il prendra la fuite. Toutefois, si la fuite n’est pas envisageable, il devra se préparer au combat. Mais, il arrive que la réponse du combat ne soit pas possible, s’enclenche alors la dernière solution, le figement.
Selon Levine, le figement est un « état altéré de conscience partagé par tous les mammifères face à une mort paraissant imminente ».
Levine observe chez les animaux que la réponse au « gel » (au figement) et à l’effondrement est limitée dans le temps et que l’animal (une fois hors du danger) va sortir de ce figement.
La sortie du figement chez l’animal se réalise grâce à une décharge, une secousse de tout le corps, ou un comportement désorganisé (se déplacer dans tous les sens de manière anarchique et sans objectif) permettant d’évacuer la tension contenue dans le figement et ce malgré une apparence de mort et de grande passivité extérieure.
Levine pense que c’est grâce à cette sortie de figement de type instinctuel que l’animal évite les séquelles traumatiques.
Le processus de défigement (sortie de la dissociation aiguë) permet à l’énergie massive qui a été préparée pour le combat ou la fuite de se décharger par des secousses et des tremblements intérieurs doux et spontanés.
Or, Peter Levine observe que l’être humain est le seul mammifère qui ne sort pas de son figement par une réponse motrice indifférenciée (décharge de l’énergie) qui suit le figement.
Face au danger, l’être humain qui ne peut ni fuir, ni combattre (comme l’animal le ferait), ni négocier, va activer la 3ème réponse de survie à la menace perçue : la sidération => le figement s’active.
Il se retrouve donc dans une immobilisation, comme s’il faisait le mort. L’action de figement, c’est agir pour nous empêcher d’agir. Nous retournons notre capacité d’action contre nous-même pour nous immobiliser. C’est le cycle physiologique de la réponse à la menace géré par le Système Nerveux Autonome, et cette réaction d’immobilisation a pour objectif d’augmenter notre chance de survie si elle est utilisée à bon escient.
Cet état de figement peut entrainer chez l’humain une insensibilité physique (on ne ressent plus la douleur) et/ou émotionnelle (les affects sont gelés), une incapacité à penser ou à analyser créant ainsi un effet de confusion, voir une incompréhension totale de la situation vécue, parfois même des oublis (cf. des amnésies traumatiques), une réduction de l’activité neuro-végétative, un effondrement moteur, et une modification du champ visuel.
Si le figement dure dans le temps, c’est-à-dire qu’il reste bloqué, toute l’énergie (ou une partie) reste stockée dans le corps avec l’alarme « menace » qui est toujours active. L’individu se perçoit comme étant toujours menacé (même si la menace réelle a disparu) et continue à percevoir le monde de ce point de vue.
Levine constate que l’être humain aura un grand risque à ce qu’il garde des séquelles telles que l’hyper-activation du système nerveux et une dérégulation dans sa physiologie. Il peut alors se développer un Syndrome de Stress Post-Traumatique.
Pour Levine, le traumatisme profond a donc à voir avec la troisième réponse de survie à la menace de vie, qui est le gel (freeze) et l’effondrement (collapse) où la charge énergétique reste piégée dans le corps. Le traumatisme sera considéré comme faisant partie naturellement et normalement de la vie. Il n’est ni une erreur, ni une maladie. Il considère même que tous les êtres humains vivent des traumatismes et qu’ils sont beaucoup plus nombreux et fréquents que l’on pense. Retravailler un évènement menaçant qui n’existe plus va permettre de réguler le Système Nerveux Autonome, de supprimer la trace de cet évènement et de retrouver l’élan vital grâce à l’énergie libérée.
Le traumatisme selon Peter Levine
Le traumatisme se produit quand l’organisme est mis dans une situation qui dépasse sa capacité à réguler son état d’activation. C’est ce que nous faisons au moment où nous avons été submergé qui va générer les symptômes du traumatisme.
Exemple : si je ne peux pas combattre ou fuir lors d’un évènement qui m’a effrayé alors que mon corps émet des réactions de protection (épaules qui se rétractent et remontent, le cou qui s’abaisse, la respiration qui s’intensifie, les yeux qui s’écarquillent pour me préparer à combattre ou fuir), je reste coincé dans cet état d’hypervigilance et toute l’énergie reste bloquée dans mon corps.
Quand mon corps reste bloqué, il indique à mon esprit qu’il y a toujours une menace.
Le traumatisme est donc la réponse différée à un ou des évènement(s) qui ont menacé notre vie et auquel nous n’avons pas pu répondre à l’époque par une action motrice, émotionnelle ou cognitive. C’est une réponse différée à une situation antérieure à laquelle nous n’avons pas pu répondre et qui nous a submergé. Ce qui perturbe n’est pas ce qui est arrivé mais la trace que cela a laissé, c’est bien cette réponse inachevée dont le corps (le SNA) a gardé la trace.
C’est pourquoi le traumatisme est une menace qui continue d’exister dans le présent alors que l’évènement menaçant est terminé depuis plusieurs jours, mois ou années.
Le traumatisme peut se produire lorsque l’individu se trouve bloqué dans sa réponse face à une menace ou lorsqu’il perçoit une menace, et le cerveau ne fait pas toujours la différence entre les deux. Il peut engendrer un stress aigu ou chronique qui apparait lorsqu’il y a une menace vitale ou en conséquence d’un cumul de stress. Les deux types de stress peuvent gravement nuire à la capacité d’une personne à fonctionner de manière adaptée et à vivre dans l’ici et maintenant.
« Cette règle sociale qui nous pousse tous à nous comporter en « superman » porte en réalité préjudice tant à l’individu qu’à la société concernés. Quand nous voulons continuer notre vie sans tenir compte de la nécessité de transformer nos expériences traumatiques, notre apparente solidité n’est qu’un leurre : les effets du traumatisme s’amplifient, se consolident, se chronicisent et les réponses inachevées, figées dans notre système nerveux, deviennent des bombes à retardement qui un jour se déclencheront. » P. Levine
Le système nerveux traumatisé se désorganise, s’écroule et entraine une inhibition néocorticale (esprit rationnel).
Le système nerveux n’arrive plus à retrouver son équilibre, à autoréguler de manières rythmées les stimulations, à s’orienter et à être dans le moment présent et dans le flux de la vie.
Ainsi, l’élan vital diminue au point d’étouffer le développement de l’être, comme une camisole de force ayant un effet dévastateur. Ce traumatisme empêche l’individu de progresser dans la vie, il le déconnecte à lui-même et peut l’entrainer dans un épuisement total (Cf. fatigue chronique ou burn-out) ou dans des somatisations extrêmes (problèmes cardiaques, rénaux, digestifs, musculaires comme la fibromyalgie, allergie, syndrome du côlon irritable, asthme, etc).
Un système qui se retrouve sous une trop grande pression sans pouvoir décharger finit par se fragmenter et envoie ce trop plein d’énergie dans un premier temps dans la carapace musculaire (ex : douleurs, inflammation, fibromyalgie), puis dans le tube digestif (ex : colon irritable), puis dans les poumons (ex : asthme) et ensuite ailleurs dans l’organisme.
Le traumatisme peut résulter d’une grande variété de facteurs de stress
– accidents,
– interventions médicales invasives, erreurs diagnostics, annonce d’une maladie
– attaques inévitables : agressions sexuelles ou physiques,
– violence psychologique,
– négligences, humiliation,
– guerre,
– discrimination sociale ou raciale, injustices,
– oppression, emprise, domination, harcèlement, dévalorisation,
– catastrophes naturelles : tremblement de terre, inondation, incendie, tsunami, irruption volcanique, sécheresse, tornade, etc
– perte : deuil, chômage, et autres changements dus aux cycles de la vie : retraite, mutation, départ des enfants, déménagement, etc.
– chute
– une agression extérieure comme une morsure de chien, une brulure, des piqûres d’insectes
– traumatismes de naissance, abandon, rejet,
– facteurs de stress corrosifs de la peur persistante, du conflit et de la honte chronique.
Pour Levine, la bonne nouvelle est que :
« Le trauma n’est pas une condamnation à vie. De toutes les maladies qui s’attaquent à l’organisme humain, le trauma peut en définitive être reconnu comme bénéfique. Je le dis car avec la guérison du trauma, une transformation s’opère qui peut enrichir la qualité de vie. »
Les méthodes utilisées par la Somatic Experiencing
La Somatic Experiencing va donc utiliser des méthodes pour libérer cette énergie stockée et désactiver cette alarme de menace qui provoque une dérégulation du SNA et un figement (cf. dissociation).
L’objectif est bien de retrouver le processus naturel qui permet à l’individu de se reconstruire après un traumatisme. C’est une approche « naturaliste » à court terme de résolution des réactions de stress post-traumatique.
La Somatic Expériencing fonctionne dans la zone de résilience du patient afin de facilité une guérison le plus efficacement possible. Le thérapeute en Somatic Expériencing travaille avec le vortex thérapeutique et non l’inverse.
Le contenu de l’histoire du patient sera utilisé pour pister l’activation plutôt que pour retrouver un souvenir, car celui-ci n’est pas forcément nécessaire pour mener à bien une séance.
« Vous n’avez pas besoin de connaître les faits de votre histoire pour être en mesure de reprogrammer les symptômes ou les résultats. ” P. Levine
Le thérapeute en Somatic Expériencing se sert de la conscience corporelle (le felt sence) et met généralement l’accent sur les sensations physiques, les images et les patterns moteurs, mais aussi la cognition et l’affect pour débloquer et réguler le système nerveux autonome (SNA). Il n’est pas celui qui guérit son patient mais celui qui supporte un processus d’autoguérisson contenu dans chaque cerveau des mammifères.
C’est donc en mettant l’accent sur des ressources internes et externes ainsi que les conditions de sécurité que le thérapeute en Somatic Experiencing contribue à la guérison du traumatisme.
La Somatic Expériencing est une approche qui travaille dans l’ici et maintenant et se concentre sur les sensations et les mémoires du corps ainsi que sur les ressources qui apparaissent.
Pour Levine, comme le traumatisme trouve son origine dans la réponse du système nerveux à un évènement et non à l’évènement lui-même, c’est en facilitant l’achèvement des réponses motrices d’autoprotection et la libération de l’énergie de survie contrariée dans le corps et le système nerveux que l’on peut s’attaquer à la cause profonde des symptômes du traumatisme et la perte de résilience du système nerveux.
Ceci est abordé en guidant doucement les clients pour développer une tolérance croissante aux sensations corporelles difficiles et aux émotions refoulées, en renforçant leur capacité de résilience.
Peter Levine innove dans sa méthode en proposant quelque chose de différent.
Pour casser la cuirasse qui a contenu le trop plein d’énergie bloquée, il faut titrer, c’est à dire découper en petit morceau l’énergie que le patient a stocké pour qu’il puisse y avoir une sortie du figement par une réponse motrice différenciée grâce à la ressource. En titrant, le système nerveux qui contient des milliers de figements peut s’autoréguler progressivement en respectant son rythme et sa capacité à décharger l’énergie.
La stimulation du système relationnel (système d’attachement et donc la libération de l’ocytocine) a un effet antagoniste du système stress/figement d’où l’importance de passer du temps avec ses proches (et ce, à condition qu’ils savent être sécurisants) après un évènement traumatique.
Toutefois, les individus n’ont pas toujours eu cette chance à portée de mains. La Somatic Expériencing a développé des stratégies thérapeutiques efficaces pour stimuler le système relationnel et d’attachement.